En cette fraiche matinée, notre guide attaque fort : « bon les gars …. aujourd’hui le terrain fait 12 kms, 2'000 mètres de dénivelé en 1ere mi-temps, 2'000 mètres en seconde. On traine pas et on reste pas le cul sur Fabien … ». « Heuuu …… c’est 5 heures du mat et j’ai pas encore pris mon café : un peu tôt pour les blagues », ronchonne Riton. Effectivement, aujourd’hui c’est l’un des 3 volcans qui bordent Bukittinggi qui nous attend : le mont Merapi, qui culmine à presque 3'000 mètres d’altitude !
On part en moto jusqu’au dernier village avant l’ascension. Lors d’un virage un peu serré, j’ai juste le temps de sauter avant que mon chauffeur, peu réveillé, ne finisse dans le fossé. Riton imitant Gad Elmaleh : « alors …. ? On fait la p’tite blagounette pour amuser l’touriste, hein … ? ».
La première ½ heure est plutôt en faux-plat et on sillonne aux travers diverses plantations qui, traditionnellement, jonchent les versants d’un volcan : la terre étant particulièrement fertile.
Apres 17 secondes de marche, je prends déjà ma place dans le cortège et je ne la quitterai que quelques minutes pendant toute la journée. Alors, à quelle place je suis ….. ? Pas facile, hein ….. ?
- « Riton … ? »
- « je prends la main …. »
- « un indice chez vous sur votre écran »
- ……
- « top, c’est parti ! Communément affublé du sobriquet de « lanterne rouge » au cyclisme …. tic-tac, tic-tac …. on me donne aussi comme trophée « la cuillère de bois » …. tic-tac, tic-tac …. synonyme de relégation au niveau inferieur en sport collectif …. tic-tac, tic-tac …. je suis-je suis ….. ? »
- Twi-guilli-guilling ….
- « oui, Riton …. »
- « en dernière position …. ? »
- « OUIIIIIIIIII ….. EEEEET VOUS ETES : CHAMPIOOOOOOON !!! » - flap-flap-flap-flap-flap (bruit de petites fiches cartonnées qu’on agite compulsivement en l’air)
- (Voix off) : « Bravo Riton. les éditions Larousse sont heureuses de vous offrir ce magnifique ouvrage sur l’histoire des réfrigérateurs au Groenland ».
Et oui, du haut de mes 35 ans, je suis le plus vieux de l’équipage et c’est à moi que revient l’honneur de fermer le cortège.
Une petite pause nous permet d’admirer le second volcan du coin, le mont Singgalang, qui est beaucoup plus bas que le notre …… de 14 mètres exactement. « Pfuuuu, on n’est pas des rigolos, nous : on fait le plus haut », fanfaronne Riton.
Là, ca se complique un peu : on attaque la jungle …….. 3 heures d’ascension en pleine jungle, même ! Outre le sol glissant de la pierre volcanique humide, ce sont maintenant les branches et les racines des arbres qui nous freinent dans notre progression. On traverse des passages étriqués et autres tunnels improbables :
Je rame de plus en plus, mes jambes sont si lourdes ! La touffeur ambiante me fait tourner la tête, le panneau « Km 5 » me rappelle que la moitié du parcours n’est pas atteinte …. Et on a payé pour ca ! J. On aurait bien besoin d’une thérapie de groupe car même notre guide est aux abois. Il nous avoue qu’il ne fera cette ascension pas plus de 4-5 ans encore car elle le laisse minable à chaque fois ….. Il existe bien une autre piste qui mène au sommet mais elle est encore plus périlleuse : lui-même ne l’a jamais empruntée et il y a 3 mois, un groupe – dont faisait partie le maire de Bukittinggi – s’y est perdu pendant 2 jours ! « Ah-la-la ces p’tits jeunes. Le coup classique du débutant je parie : plus d’essence dans le scooter », tenta Riton juste avant qu’une paire de gifles ne le ramène sur terre.
« Niiiiiiiiiioooooooooonnnnn ….. ». « C’était quoi, ca ?!? », suffoque Riton. « C’est rien mon grand, c’est rien. Juste une tortue qui vient de nous doubler. Aller : avance-avance ».
On sort enfin de la jungle et la pause est la bienvenue.
Roby, pas très rassuré ici de voir Riton jouer avec l’appareil photos
Seule la roche accompagne notre dernière ½ heure d’ascension. Nous sommes déjà passés au dessus des nuages et malheureusement, la vallée se dérobe à nos yeux.
Le voisin d’en face a bientôt la tête dans les nuages
Nous arrivons enfin au sommet, après 4 heures d’effort. La mauvaise luminosité ne nous empêche pas de savourer le moment dans ce désert de roches, de cendres et d’air saturé en souffre.
« Un petit pas pour Riton ….. mais un grand pas la cause des raton-laveurs imaginaires ». « Dis-donc ….. c’est pas le manque d’oxygène qui te travaille, toi ? ».
On ne traine pas trop car la brume gagne du terrain et notre guide n’est pas très chaud à l’idée de se faire la descente sous la pluie que nous n’avons pas encore vue aujourd’hui.
Dans ce sens, les 2'000 mètres de dénivelé passent mieux ….. mais ce n’est pas encore la quille ! L’effort est différent mais il est bien réel : il faut être tout en retenue et les cuisses commencent à se tétaniser. Je promets d’aller bruler un cierge ou deux pour mes chaussures lorsque celles-ci rendront l’âme : elles me permettent de jouer l’équilibriste sur l’arrête des pierres tout en me maintenant les chevilles ….. un vrai régal.
Apres 3 heures de descente, nous retrouvons les hauts du village ou nous avions abandonné les motos. Tout le monde tire la langue mais est bien content de cette petite promenade matinale. « Bon …. On s’fait le voisin d’en face ? J », tente un Riton facétieux, comme à son habitude.
Ce sera sans nous …… et tout le monde retourne à l’hôtel. Sur le chemin, mon chauffeur ne voit pas un trou sur la chaussée et je crois un instant perdre une ½ virilité : y veulent vraiment ma mort, aujourd‘hui ….. J.