Encore un bus d’après-midi (les longues distances partant de Lima tôt le matin, elles chopent leurs hôtes au fur et à mesure de leur avancée) et nous voici arrivés à Arequipa, une des big cities du Pérou. C’est presque 1 heure du matin et je n’ai pas envie de faire les 3 bornes à pied depuis la station de bus jusqu’au centre ville => taxi en lui demandant gentiment de me diriger vers un hôtel.
Nichée aux pieds des Andes, la ville est de nouveau en altitude (2'350 mètres) et se targue d’être un haut lieu des activités en plein air … en plus d’être profondément attachée à ses traditions et donc, anti-capitale ! Riton : « Dis-donc … Je ne savais pas qu’au Pérou, il y avait des Corses ou des Bretons … Je suppose qu’il ne faut pas non plus leur parler du Lima SG ici … ».
En ce jour du Seigneur, petit tour en ville histoire de booker les 2-3 choses que je veux faire ici … Et c’est parti !
Sam et Tom, un couple d’anglais, se joignent à nous en ce lundi matin : les 2 env. 25 ans, elle finit son doctorat en physique des particules quand lui jongle avec les chiffres à la City. (Riton : « Ah oui … la physique des particules : qu’est-ce qu’on a rigolé dans le mini van avec le boson de Higgs).
On grimpe sur les pentes volcan Misti, jusqu’à 4'860 mètres tout de même ! Jusqu’au milieu des années 90, il s’agissait de la seule route reliant Arequipa à Cusco, 2 des villes très touristiques du Pérou … Et pour une route, c’est plutôt une piste bien rocailleuse, qui semble ne vouloir pardonner aucune erreur de trajectoire !
Arrêt dans une station relais TV-téléphone où les gardiens sont tous contents de voir notre guide leurs apporter le journal du jour (ils passent des semaines entières ici avant de redescendre pour leur perm).
Et on met l’équipement …
… que je n’avais plus porté depuis bien longtemps !
Notre guide insiste pour la énième fois sur les consignes de sécurité : « Pas trop vite au début, prenez confiance et familiarisez vous avec les freins … Attention ! Les freins sont inversés par rapport à la Grande-Bretagne : l’arrière, c’est le droit … sinon vous risquez de faire un joli vol-plané ».
Et on grimpe sur nos montures
VTT de descente, activité à considérer comme « risquée » … surtout sur de telles pistes !
De touristes visitant, nous passons à objets observés …
… et nous attaquons 3 bonnes heures de descente, sur un sol sec, poussiéreux et caillouteux qui se dérobe sous nos roues … comme pour nous prévenir qu’il n’était pas notre ami et que nous n’étions pas les bienvenus sur ses terres …
Ma roue avant plante assez rapidement ici et là, le manque d’oxygène attenue mes reflexes et les pierres jonchant la pistes font déjà leurs œuvres : après à peine 5 minutes, un caillou explose littéralement mon dérailleur et il n’est même pas question de réparation ! Je comprends instantanément pourquoi il y avait un 5ieme vélo sur le toit de notre van ce matin : la « voiture balais », qui nous suit 100 mètres derrière, fait aussi office de voiture technique.
Riton : « Aaaahhh, si seulement le français Absalon avait eu la même au J.O. hier … ».
On réattaque et comme je ne suis plus « un jeune chien fou », je laisse Tom et le guide partir à fonds devant, Sam et moi assurant le grupetto. Je me rends compte que je n’ai plus 20 ans … C’est comme pour le vertige : plus jeune, je n’y étais absolument pas sensible … Avec l’âge, je suis de plus en plus « incommodé en hauteur », comme on dit.
Moins de 3 minutes après, au détour d’un virage, un gros nuage de poussière me brouille la vue. Le temps qu’il se dissipe, j’aperçois 30 mètres devant moi Tom gisant par terre … à 5-7 mètres de son vélo ! Des éraflures partout sur le visage, le nez en sang, les mains rabotées malgré les gants de protection et une fois revenus à lui-même (après d’interminables secondes), les bras et les jambes s’articulant tel un Guignol … Des gestes incohérents, le regard totalement absent, … le gars est K.O. !
Personne n’a vu ce qu’il s’est passé (le guide était devant et Sam et moi, un virage derrière) mais on subodore qu’il a planté sa roue dans une partie sableuse et qu’il a perdu le contrôle de son vélo. Tom lui-même est incapable de se souvenir de ce qu’il lui est arrivé ! Le choc a été tellement violent ! En tout cas, après moins de 10 minutes de descente, la journée est déjà finie pour mes 2 anglais (Sam décidant bien évidemment de suivre son homme dans le van pour redescendre).
La nuque raide comme un nerf de bœuf, notre chauffeur lui pose une minerve de fortune avec nos vestes et pulls et sans totalement comprendre ses injonctions en espagnols, je perçois toutefois le sens de son regard inquisiteur : « Et toi ? Tu continues ou pas … ? ». Je ne cherche pas spécialement à jouer au bon samaritain mais je m’enquiers tout de même auprès de notre guide : « Heuu … faudrait pas qu’il aille directement à l’hosto, notre ami anglais ? ». « Oui » me répond-t-il, « Mais nous si tu veux, on peut continuer car de toutes manières sur ces pistes, on va plus vite en VTT que lui en mini van ».
« Riton .. ?!!? »
« Je veux mon n’veux … !!! »
On repart donc pour la 2ieme fois … TOTALEMENT SENSBILISE, cette fois, aux dangers que ces pistes peuvent représenter !
Nous dévalons la piste et coupons ici et là par des raccourcis bien « trash » … histoire à la fois de se faire plaisir et de gagner un plus de temps sur la voiture balais derrière nous. Le plus beau est incontestablement le dernier raccourci : 3 kms de hors piste officielle … et de pur bonheur !
« Mon » guide m’avoue que c’est aussi son préféré, surtout au mois de mars, juste après la saison humide : la piste est dure (pas de zone molle dans lesquelles la roue avant peut se planter) et il y va à fonds ! Riton : « Un peu comme aux Gets, en sommes ». Oui … « mon » guide étant semi-pro de descente VTT, il connait la fameuse étape de coupe du monde qui clôture habituellement la saison dans la Yaute.
Mais ne nous voilons pas la face : je ne quitte pas la piste (ou hors piste) des yeux … j’ai retenu la leçon. A chaque fois que je manque de me vautrer, c’est parce que j’avais le nez en l’air …
Nous rejoignons le tarmac …
… nous étions 3 heures plus tôt, aux pieds de ces tours d’acier
Nous aurions dû faire encore 15 kms tranquillous sur cette route absolument pas fréquentée mais lorsque le « mini van ambulance » nous rejoint, je vois que l’état de Tom ne s’est pas amélioré : ca fait 3 heures que Sam lui raconte ce qu’il s’est passé, où ils sont et lui n’arrive toujours pas à imprimer.
« Arequipa ?!? Mais c’est où ca ? … Pérou ?!?! Amérique du sud ?!?!? Mais qu’est-ce qu’on fout là ? ».
« Mais si … j’avais une conférence à Lima dans le cadre de mon doctorat et tu m’as rejoint jeudi dernier ! »
En plus des trous sur son visage, Tom a un énorme trou de mémoire …. Pour un anglais, ne pas se souvenir qu’hier encore, il y avait les J.O. à Londres, chez lui !!! Alors qu’il avait assisté aux épreuves de waterpolo et Beach volley (ce qu’il m’avait dit ce matin, avant) …
Sans un mot et d’un commun accord tacite avec mon guide, nous décidons d’écourter la journée et de filer tout de suite à l’hosto … ! Pas de « roue libre » … que je n’aurais de toute manière pas appréciée dans de telles circonstances. Je quitte mon couple de « bras cassés » devant la clinique d’Arequipa, en prenant le mail de Sam … histoire que le blog de Riton ne reste pas sur une fin aussi pénible.
La nature nous a rappelée aujourd’hui qu’une simple erreur, lors de vacances qui se veulent festives, peuvent marquer quelqu’un … plus que de raison !
Riton : « That’s life : on ne sait pas de quoi demain sera fait … Vivons l’instant présent, comme si c’était le dernier … »